Jettez l'encre ici!

Télérama (Anne Marie Paquotte)

Les Têtes Raides constituent sans conteste l'élan le plus captivant de la tendance dite néoréaliste. On ne résiste pas à la belle noirceur de leurs atmosphères, éclairées de cuivres inventifs, de guitares brassensiennes, de tangos déglingués, de valses dérisoires. (...) Les Têtes Raides partent bientôt en tournée et sont le 21 mai à l'Olympia: rendez-vous réjouissants avec un souffle nouveau, une saveur salubre, un esprit réellement rebelle.

Les Inrockuptibles (Guillaume Sorge)

Une voix grave assure le frisson, une musique faussement simplette sert avec abnégation la brutalité des textes: sans fioritures superflues, Les Têtes Raides sont ici plus proches du dépouillement poétique des Tindersticks que de l'orfèvrerie maniérée de Divine Comedy. Et même si Les Têtes Raides pèchent par leur manque de bonnes manières, leur refus des élégances, lis possèdent mille fois plus de charisme que n'importe quel meilleur groupe du monde de la semaine anglaise.

Rock' Epine

1984, Christian, Cali et Grégoire forment les Red Ted dans leur banlieu sud. Influencés par les Clash comme Damia ou Marguerite Duras, ils mêlent la complaite de l'accordéon à la ruée des cuivres. Leurs concerts fascinent et dérangent... Les musiciens se cachent derrière des masques en plâtre blanc, soignent décor et lumières pour créer une ambiance à part. Emerge la présence unique de Christian Pierrot meurtri à la voix de calcaire, immmédiatement fascinant. Rejoint par d'autre musiciens, ils muent en Têtes Raides et auto-produisent un disque (1989). L'année suivante ils sortent leur premier CD. 1996 sera raide; leur nouvel album Le bout du Toit recèle quelques unes des plus belles chansons jamais rimées en français. Jean Corti, l'accompagnateur de Brel jette un bout d'accordéon sur le premier single.

Têtes Raides - étrangleurs des mots (Gilles Ciblor (Poète, boxeur) 1993)

A l’heure où la moindre expression musicale "nouvelle" (rap, grunge, etc.) est aussitôt rattrapée, sucée jusqu’à la moelle puis étouffée sous les couches d’ersatz, à l’heure où la pression financière du bizness est telle que lui résister demande une force herculéenne, que les Têtes Raides s’apprêtent à sortir leur deuxième album (prévu pour Septembre) dans une des six plus grosses maisons de disques en France n’est pas le dernier des paradoxes. Quand de plus on connaît l’univers et le parcours des oiseaux en question, on se dit même que cela relève de la gageure.

"Ne restons pas, prenons les routes/On s’fait bandit pour que ça coûte/Prenons les ronds et les bicyclettes... ".

Formés vers le milieu des années 80 autour d’un axe qui passe par Bamako, Port Leucate, Montgeron, Ris Orangis (piste tordue), les Têtes Raides allaient, comme leurs collègues de la vague alternative, commencer par faire du bruit et sortir des disques auto-produits. Mais loin de s’en tenir à la musique, nos lascars visaient déjà plus haut et tentaient déjà de maîtriser tous les postes de la création. Le fond et la forme. L’art et la manière.

"Ca n’suffit pas d’être chanteur opéra/Faut s’en servir de nos paluches/Et faire bouillonner nos p’tites têtes/Ce n’est pas rien d’être scélérats".

Ainsi naquit d’abord la "galette en carton", 25 cm vinyl avec pochette ondulée, sérigraphiée, puis la "galette molle", 45 tours souple avec poster en noir et blanc sur papier journal... pour donner le ton. Mélange d’art primitif (les masques) et d’art brut (la récup’), l’univers pictural des Têtes Raides s’ébauchait, sombre, sans fioritures, renvoyant à des univers convulsifs, comme leurs chansons, éloges d’un néoréalisme qui boîte, qui grince et qui gémit.

"Ne pleurons pas sur ce qui reste/Dans les faubourgs ça continue/de se raconter dans l’ivresse/Et les pleurs en suspendu".

Soutenues par une musique de fanfare sortie de la cour des Miracles, les chansons des Têtes Raides parlent d’envies, d’amours qui se vendent, d’oignons, de cheval de bois, de faim, de draps, d’orties, de solitude. Et les mots s’étranglent, se cognent, s’accouplent de force comme pour mieux sonner et révéler un sens oublié, le sens caché de l’évidence.

"C’est pas sain d’être seule/Dit la traiteuse à la blanchisseuse/Ca se termine dans le vin/Ou les mots d’un écrivain".

Du fond de leur univers autarcique, dont ils ne sortent que pour donner des concerts sans artifice (émotion sans béquille), les Têtes Raides sculptent la musique à leur manière, en hommes libres.

Best n°295, Février 1993, p. 12 : Zoom

Têtes Raides : " Ca m’étonne plus vraiment de mourir à vingt ans mais ça m’étonne vraiment d’avoir passé mes vingt ans. "

Humour et chanson réaliste sont-ils antagonistes ? Peut on plonger dans la mélancolie et la poésie sans sombrer dans la tristesse ? Pourquoi pas ! L’esthétique sobre et théâtrale d’un concert des Têtes Raides donne à rire et à pleurer. A réfléchir et à rêver aussi. Elle vous laisse plein d’émotion. Vivant ! Caresse au papier de verre sous lumière diffuse, violence feutrée, leur musique respire l’urgence dans la rage comme dans le romantisme. Puisant chez Damia ou Fréhel, l’envie de dire les choses vraies et de les dire belles, ils n’en sont pas moins enfants d’un courant alternatif à l’énergie festive. Alors qu’ils marient brisures de voix et java, mots à tiroirs et ambiances pochetrones, mélodies poignantes et envolées délirantes. Si leur troisième album, "Les Oiseaux", se veut plus acoustique, plus mélodique pour laisser s’exprimer la chaleur brute du violoncelle, il n’en est pas moins rauque. Les Têtes Raides sont en tournée. A voir. Myriam Leon

Télérama n°2283, 13 Octobre 1993, p. 62 : Les Têtes Raides - Bal tragique

Nourris à la mauvaise graine punk, ils ont transformé la chanson française en un surréaliste hôtel des chœurs brisés.

Les Têtes Raides n’en font qu’à leur tête. Bien sûr, on peut déceler, ça et là dans leur répertoire, un zeste de Brel, un soupçon de Damia ou une pincée de Fréhel. Mais rien à voir avec le folklore branché Apaches années 30 qui fait actuellement un bar-tabac chez les petits Gaulois du rock franchouillard. Les Têtes Raides ne jouent pas à être les Sex Pistols égarés dans un film de Julien Duvivier. Ne font pas semblant d’avoir grandi avec Piaf, appris à crapahuter dans les bals musettes et déchiffré Queneau dans les cours de récrée.

Sur scène, il n’y a qu’à scruter leur formation pour s’apercevoir que ces francs-tireurs ne se laissent pas facilement enrégimenter. Christian, le chanteur-parolier, enfile son accordéon comme un gilet pare-balles. Grégoire, le géant multi-instrumentiste, passe en se gondolant du saxo au flûtiau. Il y a aussi un type à l’hélicon (pon-pon-pon-pon), une fille au violoncelle, un batteur-mixeur-moissonneur-percussionniste et un guitariste qui joue tout bas avec des cordes en nylon. Plus hétéroclite qu’académique, notre orchestre...

" On a débuté il y a environ neuf ans, comme un groupe de rock de banlieue traditionnel, raconte Christian. On s’appelait les Red Ted, on reprenait même les Rolling Stones et Johnny. La chanson française, Brassens, Ferré, Damia, Marianne Oswald, on ne les a réellement découverts qu’après Clash ou les Specials... "

Après un premier album " autoproduit ", une galette intitulée Not dead but bien raides (sic) chichement emballée dans du carton, suivront Mange tes morts et Les Oiseaux, deux rondelles plus professionnelles dans lesquelles le style des Têtes commence à avoir de la gueule : une équipe de graphistes-copains décapants, les Chats Pelés, confectionne pour le groupe masques de scène, affiches et pochettes de disques, à coup de pâte à modeler, de gribouillis enfantins ou de sculptures bricolo.

Dans leurs chansons, y a des paumés et des putains, des zoziaux et des cabots, des bars glauques et des aubes blafardes, des amours de caniveaux et des connivences amoureuses, du zinc, du plomb, des larmes, de la sueur et de la chair. C’est souvent dramatique, jamais mélo. C’est toujours poétique, un peu maso. Pas réaliste pour deux sous, surréaliste par en dessous. Chœurs brisés et gouaille cassée, c’est Captain Beefheart dansant la Carmagnole, Prévert réécrivant Querelle de Brest.

Leur nouvel album, Fleur de yeux, s’est encore assagi dans l’épure. Moins de stridences, de dissonances, de tempi haletants, de fanfares fanfaronnes. Juste des chansons, sculptées dans le matériau brut d’instruments acoustiques, cuivres vibrionnants, percussions tapineuses.

Ce disque, nos Têtes rudes vont le faire vivre sur scène, à la faveur de la projection d’un film réalisé pendant leurs dernières tournées. Tapis dans la fosse d’orchestre d’un vieux cinéma de quartier, les musiciens interviendront sur la bande-son, jonglant avec les silences, les images, les lumières. Du ciné sans cinoche.

" Nous nous sentons comme des artistes de cirque, confie Grégoire : le trapéziste ne montre jamais que ses muscles tremblent sous l’effort, qu’il souffre ou qu’il a peur. C’est une question de pudeur. "

Philippe Barbot

Station Service n° 70, Novembre 1993 : Les Têtes Raides

On se souvient encore de leurs bordées à Strasbourg, leur théâtre rock de branquignols reprenant les Clash au Café des Anges et terminant le boeuf au Zanzib’Art. Les laborantins folko-keupons étaient tombés dedans lorsqu’ils étaient petits... et ma foi, Archaos et les chiens de Deschamps ne sont qu’à quelques portées de trombone. Fleur de yeux le nouvel album affine le principe de ces chansonniers dingos (processus déjà bien entamé sur le précédant disque, Les Oiseaux) mariant la ritournelle et le coup de marteau, s’emmêlant les clés de sol et les pinceaux... La belle équipe...

Transfac, 1993 : Musique : Les Têtes Raides

C’est un groupe de rock au son de la chansonnette de banlieue qui conjugue avec nonchalance dérision et dépression ; petite fanfare comprenant accordéon, hélicon, violoncelle, guitares et autres tôles distordues, ils ont choisi de présenter leur parcours sur grand écran, par le biais d’un moyen-métrage en super 8 et 16 m/m, où le kitsch du noir et blanc teinté s’ajoutait à la spontanéité des "images volées caméra au poing" tout au long de leurs tournées, concerts et interviews, et accompagné -en direct s’il vous plaît- par les musiciens. C’était les 5 et 6 novembre à la Laiterie.

Journal ?, 1993 : Les Têtes Raides

Un groupe français pour commencer..., un groupe venu de nulle part et qui va on ne sait trop où. Les Têtes raides s’essayent à créer une chanson française néoréaliste qui doive autant à l’apport de KURT WEILL qu’à celle du punk rock.

Le groupe semble avoir les coudées plus franches sur scène que sur disque pour aller au bout de sa démarche. Le concert sera donc sûrement un moment intéressant.

Hebdoscope, fin Novembre 1993 : TETES RAIDES en concert

En 1984, les " Red Ted " jouent des reprises rock & roll en banlieue parisienne. En 1987, ils commencent à composer et adoptent l’accordéon. " Red Ted " devient " Têtes Raides ", le groupe se paye d’abord un 45T puis, grâce à un tremplin, un 25cm " Not dead but bien raides " (1989). On commence à s’intéresser à eux et l’année qui suit sort un premier CD chez FNAC Music : " Mange tes morts " (1990). Avec l’arrivée d’une violoncelliste, début 1991, le groupe se tourne vers une musique plus acoustique. L’année suivante sort le CD " Les oiseaux " chez WEA Music (1992). La palette sonore, depuis, ne cesse de s’agrandir, avec des cuivres notamment. Leur dernier album, " Fleur de yeux " sort le 15 Oct. 93. Cette sortie est l’occasion d’une présentation originale de l’album : le groupe met en musique en direct les images d’un film qui leur est consacré. (...)

Rock Sound, Janvier 1994, p. 19 : Tendances : TETES RAIDES "TETES BIEN PLEINES"

Dix ans maintenant que le groupe ( la troupe ?) -d’abord trio, aujourd’hui septet- de la banlieue parisienne entre folk cosmique à la Kurt Weill, tango charnel à la Mac Orlan et ballades erratiques à la Tom Waits promène avec un talent indéniable une identité musicale faite de passion, de fureur et de trouvailles. Après le rugueux "Mange tes morts" en 90, le foisonnant "Les oiseaux" en 92, voici la nouvelle galette de saison "Fleur de yeux" où la richesse des compositions le dispute à la qualité des textes. Discussion sur cela et le reste avec Grégoire, Maître-souffleur de la bande.

A la base, trio avec Christian, Cali et toi, les Têtes Raides sont aujourd’hui sept en scène et sur disque. Comment s’est passée l’intégration des nouveaux arrivants, sur quels critères ont-ils été choisis et qu’ont-ils apporté au groupe ?

Grégoire : Les intégrations au sein du groupe ont toujours été naturelles, je veux dire, ce n’était pas des gens qui tournaient autour du groupe avant ou qui avaient demandé à participer aux Têtes Raides. Ce sont des musiciens que nous avons rencontré au fur et à mesure et dont nous avions apprécié les qualités. Parfois la décision s’est faite sur des critères humains, parfois sur des critères d’instruments. Avec tous les aléas possibles avec ce genre de sélection. Avec Mike par exemple, le guitariste écossais qui était avec nous pour "Mange tes morts", il nous apportait énormément lorsqu’il s’agissait de jouer des chansons électriques et dures mais s’avérait plus discutable sur les titres plus doux. Parce que le groupe est toujours tiraillé par cette dualité ou cette contradiction d’être à la fois un groupe capable de choses douces et léchées et un groupe constamment animé par la violence.

Comment vois-tu l’évolution des Têtes Raides depuis "Mange tes morts" justement ?

G : Pour moi, "Mange tes morts" était un cri. Un cri situé au niveau de la gorge. Un cri guttural, une réaction très violente. Aujourd’hui, "Fleur de Yeux" est une manifestation plus abdominale. En fait, je m’aperçois que d’album en album, notre cri est descendu en quelque sorte. Gorge pour "Mange...", le coeur pour "Les oiseaux" et maintenant l’abdomen pour "Fleur de Yeux". C’est plus profond si tu veux. Peut-être moins bruyant, mais plus fort à mon avis. Qu’on me pardonne les métaphores corporelles, mais pour moi, c’est vraiment au niveau du corps que ça se passe !

En tout cas, la production de "Fleur de yeux" est devenue plus dure en comparaison à celle des "Oiseaux"...

G : Ça me surprend un peu que tu dises cela, je pensais que nous étions les seuls à pouvoir ressentir ça. D’autre part, il me semble que la production de "Fleur... " est plus chaleureuse que celle des "Oiseaux". Simplement au moment des "Oiseaux", nous avons enregistré le disque avec très très peu de moyens dans un petit studio de Voiron dans l’Isère parce qu’on venait juste de se faire balancer de Fnac Music. Et nous avons utilisé pas mal de reverb et d’artifices pour faire passer un son d’ensemble que nous ne pouvions avoir aussi fort que nous le souhaitions. D’où ce sentiment peut-être de son plus doux, renforcé par le fait qu’à l’époque, nous étions dans une période assez lyrique au niveau des textes. Grâce aussi à l’arrivée d’instruments nouveaux comme le violoncelle... Cela dit, en tant que disque, je trouve "Les Oiseaux" un peu en "fond" d’enceintes, alors que "Fleur..." est très "devant", très proche...

Et on peut penser qu’il y a une raison, autre que purement technique...

G : Oui, tout à fait, celle d’être plus proche des gens, de leur parler avec le maximum de proximité. Et puis pour nous de rester lucides par rapport à ce qu’on fait. De ne pas chercher à enrober notre travail juste pour que ça passe bien. Donc pas de reverb sur les voix ou les instruments. Nous essayons de chasser tout ce qui peut être artificiel, de rester rigoureux sur notre propos. Pour nous ça relève de la pure honnêteté intellectuelle. Cette attitude est voulue mais elle est aussi inconsciente dans le sens où toutes ces chansons ont été très longtemps jouées en acoustique sans aucun effet et qu’il ne nous est même pas venu à l’idée d’en rajouter en les enregistrant. Une musique doit être magique en elle-même, pas grâce aux artifices de studio.

Vous avez l’impression d’avoir dévié de vos envies initiales entre le vingt-cinq cm "Not dead but bien raides" en 89 et ce "Fleur de yeux" de 93 ?

G : Non pas vraiment. Ce sont toujours les mêmes choses, les mêmes envies, les mêmes désirs qui nous motivent. Simplement comme tout le monde, nous avons vieilli et donc changé. Nous sommes sortis, nous avons tous, individuellement et collectivement, fait des rencontres, nous sommes allés au cinéma, nous avons lu des livres et notre perception du monde s’en ressent je pense. Mais l’émerveillement est resté. Même s’il s’exprime différemment.

Quel est ton sentiment sur ce qui reste de l’idée "indé" en France ?

G : Je dois dire qu’on n’a jamais été très concernés par le mouvement indé en France. Je sais bien que des tas de gens nous y assimilent mais nous n’en avons jamais fait partie. Bon, le côté franc-tireur de notre musique nous en rapprochait, de même que l’âge ou les préoccupations mais c’est tout ! La meilleure preuve, c’est que lorsqu’on a essayé d’intéresser Boucherie à ce qu’on faisait, on s’est rendu compte de part et d’autre qu’on ne parlait pas de la même chose. Je ne cherche pas du tout à nous désolidariser du mouvement indé, je pense même que certains groupes comme la Mano par exemple ont fait beaucoup pour la musique et pour les groupes dans ce pays, mais force est de reconnaître que les Têtes Raides ont toujours eu une démarche à part. Nous avons toujours vu dans les majors, par exemple le moyen pour nous de nous faire entendre sur une plus grande échelle et pensé que le dilettantisme, l’amateurisme si tu veux, a toujours été la plaie du business en France. C’est pour cela qu’on a décidé de signer avec une vraie major qui ait les moyens professionnels et structurels de soutenir et de révéler un groupe comme les Têtes. C’était vraiment un choix.

Quel est ton sentiment sur l’embellie qua connu récemment la chanson française au travers d’ex-alternatifs comme Pigalle ou les French Lovers ou d’artistes comme Kent, Thomas Fersen ou même Au pt’it bonheur ?

G : Disons que globalement, j’en pense du bien. Tous ont prouvé que la chanson française avait une réalité et un avenir. Ça fait du bien. J’aime bien l’idée qu’on arrête de se tirer la bourre avec les anglo-saxons et qu’on soit capable de faire la part de toutes nos influences. A la fois la grande tradition française réaliste ou poétique, mais aussi la musique populaire des siècles précédents revisitées par ce qu’on a retenu des anglo-saxons justement, l’énergie. Cela dit, là encore notre démarche, à nous les Têtes Raides, est différente dans le sens où nous essayons toujours de promouvoir l’idée de groupe qui à mon avis est instance de disparition. Parce que c’est plus facile pour les boîtes de disques de gérer un mec qu’un groupe.

Les repères d’un groupe comme les Têtes Raides, c’est quoi ?

G : Hum !... Question difficile ! Je dirais que la caractéristique d’un groupe, c’est d’avoir autant de personnalités qu’il y a de personnes dans le groupe et d’être capable d’harmoniser tout cela. Dans les Têtes, je crois qu’il y a beaucoup de personnalités, c’est-à-dire beaucoup d’histoires et de cultures différentes. Certains d’entre-nous écoutent beaucoup de jazz, d’autres de la chanson ; certains lisent énormément, d’autres pas du tout ; certains vont au cinéma, d’autres restent chez eux. C’est ça la réalité. Moi, j’adore Tom Waits et je lis peu alors que Christian lit beaucoup et écrit beaucoup. A nous ensuite de dégager notre dénominateur commun, de mettre en musique ce qui nous rassemble ; car notre musique est le moyen le plus simple et le plus clair de parler et de nous exprimer.

INTERVIEW Yves Bongarçon

Reflets 68 / DNA, 8 Juin au 14 Juin 1994 : Lézard au Natala

Trois groupes pour un festival en plein air

L’association colmarienne Lézard a invité Blue-Lagoon, les Têtes Raides et Salome (soul-funk) à se produire lors de son festival annuel au Natala. Depuis plusieurs années, la saison du Lézard s’achève en effet sur un festival des musiques au parc des amis de la nature au Natala (rue de la Semm), à Colmar, où le public est convié à venir danser sous les lampions et rêver sous les étoiles.

Cette année, François Laperelle et ses complices ont mis les Têtes Raides à l’affiche, un gang parisien de sept musicos qui, après avoir donné dans le rock’n’roll pur sous le nom de Red Ted, a préféré un genre plus acoustique à la croisée entre la chanson réaliste et l’énergie rock (album " Fleur de yeux " - WEA). Ils sont précédés sur scène par deux formations régionales : Blue Lagoon (blues-rock) et Salome (soul-funk).

Banco 7, Mars 1995 : Les Têtes Raides en concert

L’association Lézard nous propose une soirée dans le cadre de " Lézard Cent Voix en l’Air " le mercredi 8 mars à 20h30 dans la Salle des Actes du Lycée Bartholdi de Colmar.

Cette soirée débutera avec un merveilleux accordéoniste argentin, RAUL BARBOZA. Cet Indien, au riche héritage Guarani, n’a pas son pareil pour faire vivre le " Chamama ". Le Chamame est un mélange mélancolique et trépidant de mazurka, de valse et de polka, un métissage joyeux qui fait le bonheur des danseurs comme des joueurs de bandonéon et d’accordéon, diatonique ou chromatique.

Nourris à la mauvaise graine punk, les TETES RAIDES ont transformé la chanson française en un surréaliste hôtel des choeurs brisés. Ils ne jouent pas à être les Sex Pistols égarés dans un film de Julien Duvivier. Ne font pas semblant d’avoir grandi avec Piaf, appris à crapahuter dans les bals musettes et déchiffré Queneau dans les cours de récrée. Dans leurs chansons, y’a des paumés et des putains, des zoziaux et des cabots, des bars glauques et des aubes blafardes, des amours de caniveaux et des connivences amoureuses, du zinc, du plomb, des larmes, de la sueur et de la chair. C’est souvent dramatique, jamais mélo. C’est toujours poétique, un peu maso. Pas réaliste pour deux sous, surréaliste par en-dessous. Cœurs brisés et gouaille cassée, c’est Captain Beefheart dansant la Carmagnole, Prévert réécrivant " Querelle de Brest ".

Programme Association Hiéro Mulhouse, Mars 1996 : Les Têtes Raides

En 1984, Christian, Cali et Grégoire forment les Red Ted dans leur banlieue sud. Influencés par Clash comme Damia ou Marguerite Duras, ils mêlent la complainte de l’accordéon à la ruée des cuivres. Leurs concerts fascinent et dérangent, les musiciens sont masqués, décor et lumière créent une ambiance à part. La mue en Têtes Raides est suivie par un violoncelle et une guitare acoustique qui les rapproche de la chanson. Pour 1996, leur nouvel album recèle quelques-unes des plus belles chansons jamais rimées en français... Quant à la scène, la seule certitude, venant de musiciens aussi exigeants qu’imprévisibles, est que l’émotion sera ce soir au rendez-vous.

DNA, 9 Mars 1996 : L’écho des nuits électriques

Retour de la rubrique des nuits agitées d’Alsace, pour une sélection forcément non exhaustive des rendez-vous électriques entre Strasbourg et Mulhouse. (...) Jeudi, le Noumatrouff invite les Têtes Raides, un groupe d’expression française, comme l’on dit, nourrit aux Clash, à Damia et à Marguerite Duras, forcément. Sous le bras, ces fascinants oiseaux de nuit et bêtes de scène ont bien calé leur nouvel album, Le bout du toit. Ambiances imprévisibles, mais garanties. (...) Vendredi, les Têtes Raides pointent le bout de leur nez et de leur toit à la Laiterie, tandis que...

Station Service, Mars 96 : LES TETES RAIDES

Il y a 10 ans, banlieue Sud, ils forment les Red Ted, revendiquant les noeuds d’un patrimoine socio-culturel liant Clash, Damia et Marguerite Duras, et mêlant la complainte de l’accordéon et la ruée des cuivres. Mués Têtes Raides, avec un 25 cm autoproduit emballé dans du carton gaufré, ils commettent un Mange tes morts chez Fnac Music couplé avec un mini-book de sculptures des Chats Pelés, avant de passer chez WEA avec les Oiseaux et le récent Bout du toit qui recèle quelques unes des plus belles chansons jamais rimées en français...

Programme de la Laiterie, Mars 96, p. 11 : LES TETES RAIDES

Les TETES RAIDES et Strasbourg... voilà une longue histoire d'amour qui s'égrène, de concerts magiques en visites impromptues ; d'un forum FNAC squatté avec la spontanéité qui les rend si attachants à une salle de la Marseillaise qui les accueillit les bras ouverts. Les visites du groupe furent non seulement nombreuses mais aussi frappées du sceau d'une intimité à chaque fois grandissante.

II fut donc une époque où les TETES RAIDES avaient, chez nous, leur place à table et où chacun aurait pu donner aux personnages de leurs romances des visages familiers. Leur concert à la Laiterie a donc le goût doux-amer des retrouvailles avec ces proches qui un jour ont disparu sans donner de nouvelles. On ne savait en effet plus grand chose des TETES RAIDES jusqu’à ce que paraisse ce nouvel album dans lequel, chanson après chanson, on les a senti de nouveau si proches.

Bien sûr, ceux qui l'écoutent par-dessus notre épaule nous parlent de renouveau de la chanson réaliste, de Damia, de Brel ou des Pogues ; bien sûr ils louent le chant si expressif, les arrangements expressionnistes et délicats, bien sûr... Mais nous, nous savons que les TETES RAIDES c'est bien plus que cela et nous nous retrouvons dans le titre de leur album. Nous comprenons que les TETES RAIDES sont à nouveau "Au bout du toit", lieu de tous les rêves et tous les dangers dont ils nous envoient quelques cartes postales, à charge pour nous de les y rejoindre si nous n'en faisons pas le bout du monde.

On le sait déjà, ce concert tiendra autant de la fête de famille que de la veillée d'arrière-salle de bistrot où habitués et clients de passage entonnent en choeur les refrains sur les amis disparus et les turpitudes amoureuses.

Schwarze oder merkwürdige Texte, eine unehrerbietige Energie, machen aus der Gruppe LES TETES RAIDES eine der originellste Band in Sachen "Chanson Française".

Sie sind nicht mit Brel oder Sex Pistols zu vergleichen, sie gehören einfach zu der "neuen Sachlichkeit". Der Alltag wird mit einem Akkordeon, einer Rockgittare, einem strengen Cello in Lebensbilder verwandelt Hohepunkt im März.

Programme de la Laiterie, Février 1997, p. 4 : TETES RAIDES

En mars dernier, une fois encore, le miracle a eu lieu. Une fois encore, le temps a pris le temps de s’arrêter pour donner tout le loisir aux Têtes Raides de transformer leur prestation strasbourgeoise en frisson.

Le public avait déjà fait siennes les chansons parues quelques mois plus tôt à peine, et la Laiterie semblait avoir été bâtie autour des dites chansons et des lampes de gymnase dont la lumière habillait, quasiment avec tendresse, le groupe. Les Têtes Raides, vivant leur musique plus qu’ils ne l’interprètent, avaient su une fois encore tisser d’indéfectibles liens entre les acteurs de leurs chansons et les spectateurs, si bien qu’on ne sut bientôt plus qui était qui.

A la sortie on s’est dit que les concerts strasbourgeois des Têtes Raides sont de tels moments d’exception, de grâce fragile que l’on ne peut que craindre, après coup, qu’ils aient appartenu au domaine du rêve. Alors, comme à chaque fois, parce qu’on sait qu’il n’y a pas de logique de série dans le miracle, on tremblera au fur et à mesure que s’approchera la date du 6 février.

Existe-t’il, en 1997, dix choses aussi précieuses que de se rendre à un concert en tremblant ?

Die Têtes Raides sind eine der wenigen Gruppen die ihre Musik nicht nur einfach darbieten sondern sie auch regelrecht durchleben. Eine solide Verbindung zwischen Künstlern und Publikum ist das Ergebnis dieses intensiven Verhältnisses der Têtes Raides mit der Musik.

Station Service, Février 1997

... ; le 6 les Têtes Raides incontournables de la chanson française dans la mise en scène, le texte et l’interprétation (ceux qui étaient présents lors de leur précédente venue à Strasbourg vous expliqueront pourquoi il ne faut pas les manquer sous aucun prétexte) ; ...

Programme de la Laiterie, Mai 1997 : TETES RAIDES : VIENS !

Concert de salon

Ceux qui ont participé à l’un des mémorables concerts des Têtes Raides à Strasbourg en cultivent en général jalousement le souvenir dans l’un de leurs jardins secrets.

Devant cet album live, enregistré au Trianon de Paris on réagit un peu comme avec ces films de famille qui vous montrent vos proches avec une autre famille que la vôtre. On a peur de n’être "que" spectateur - ou ici auditeur - un peu voyeur, légèrement indisposé par l’éclairage cru sur ces visages familiers. On hésite donc longuement avant de presser la touche "play" et, lorsqu’on se décide enfin à franchir le pas, on tremble un peu.

Et puis, la magie opère ; une autre magie certes, mais qui fait de cet album qu’on craignait confiné au statut de document, un véritable disque de chevet... en attendant le prochain passage des Têtes Raides dans nos murs.